La septième vague de covid estivale qui s’annonce fait présager le pire pour un système de santé au bout de ses ressources et dont les premières lignes, les urgences, sont au bord de l’implosion. Dans l’optique de leur porter rapidement secours, le médecin urgentiste François Braun, entretemps promu ministre de la Santé et de la Prévention du gouvernement d’Elisabeth Borne, a détaillé 41 propositions dans un rapport rendu public le 1er juillet. Toutes ses propositions ont été validées. Ces mesures qui sont « ciblées pour une durée de trois mois, soit la période estivale », précise le rapport, « feront l’objet d’une évaluation pour envisager leur devenir dans le temps ».
Réguler les passages aux urgences
Un grand nombre de propositions de ce rapport figuraient déjà dans le pacte de refondation des urgences. Ce dernier, présenté fin 2019, comprenait douze mesures, qui n’avaient pas pu être appliquées à cause de l’apparition de la Covid-19. Parmi celles-ci, la mise en place du service d’accès aux soins (SAS) est déjà expérimentée dans 22 sites-pilotes en France. La mission vise ainsi la création d’une extension du Samu qui puisse répondre à toute heure à une demande de soins des Français, urgente ou pas. L’objectif final est de créer une synergie entre la médecine de ville et les professionnels de l’urgence hospitalière au moyen d’une régulation commune. Avant d’aller aux urgences, il faudrait donc appeler d’abord le 15, comme c’est le cas à Bordeaux depuis que les urgences ferment la nuit. Une campagne nationale sur le bon usage des services d’urgences devrait être lancée. Elle aura pour slogan : « avant de vous déplacer, appelez ! ». Si, comme l’indique la mission, il ne s’agit pas de culpabiliser les Français mais bien de les informer sur le bon usage des urgences et sur leur situation plus que tendue, cette idée d’une régulation systématique par le 15 provoque néanmoins des critiques, notamment au sein du Collectif inter urgences (CIU), qui dénonce une mesure inefficace. « Les Samu sont submergés d’appels et font également face à un sous-effectif chronique grandissant », constate le collectif, qui ajoute : « Rendre obligatoire l’appel avant de passer aux urgences est une rupture de l’accès universel à un service public. […] Réduire l’accès aux urgences, [est] une perte de chance pour les usagers potentiels que nous sommes tous. »
Augmenter le nombre de généralistes disponibles
La mission Braun recommande à l’État de majorer de 15 euros la consultation des médecins généralistes qui prennent les patients qui leur sont adressés par le 15. L’ouverture des maisons médicales de garde le samedi matin alors qu’aujourd’hui, elles ne sont ouvertes qu’après 14 heures fait aussi partie des recommandations. Là encore, une majoration de 15 euros par consultation est prévue. Pour finir, la création « d’une nouvelle possibilité, pour le Samu/SAS, de mobiliser des transporteurs sanitaires (ambulances) pour conduire des patients vers un cabinet de médecine libérale ou une maison médicale de garde (et non plus seulement vers un établissement de santé), et l’augmentation des plafonds d’heures de transport sanitaire urgent alloués dans chaque région » sont également proposées.
Renforcer l’usage de la télémédecine
Autre mesure phare : encourager le recours à la télémédecine et le suivi médical à distance. Pour cela, un « accompagnement des expérimentations d’unités mobiles de télémédecine, permettant de projeter, au domicile des patients, un équipage composé d’un conducteur/secouriste et d’un infirmier, muni d’un équipement de téléconsultation (mallette, dispositifs connectés) » sont envisagés, ainsi que la formation d’infirmiers libéraux et autres professionnels de santé pour « assurer la régulation, le déclenchement d’une téléconsultation aux côtés du malade, la réalisation d’un acte infirmier ou un conseil au patient ».
Mobiliser davantage de soignants hospitaliers
Mais la plupart des mesures ne pourront être mises en œuvre que si l’on trouve une réponse au manque dramatique de personnels soignants. C’est la raison pour laquelle, du côté de l’hôpital, des mesures incitatives sont proposées, comme « la majoration de la rémunération des heures supplémentaires, du temps de travail additionnel des médecins, et des gardes et astreintes des praticiens […] ou le doublement des majorations de nuit pour les personnels soignants et revalorisation de 50 % des gardes pour les médecins cet été, pour une durée de trois mois. » Enfin, pour recruter plus facilement des professionnels hospitaliers, la mission prévoit un nouveau statut de praticien contractuel pour les libéraux « qui acceptent de participer à l’activité hospitalière », le « développement de l’exercice mixte des sages-femmes » l’ouverture de la possibilité, pour les internes disposant d’une licence de remplacement, de réaliser leurs remplacements au sein des établissements publics de santé, le déplafonnement du cumul emploi-retraite et la facilitation de l’intégration de médecins retraités dans les régulations Samu/SAS. « L’accélération du calendrier de diplomation des étudiants infirmiers et aides-soignants » fait aussi partie des pistes évoquées dans le rapport pour renforcer rapidement les effectifs au sein des hôpitaux.
Un été sous très haute tension
L’été sera l’occasion de tester ces mesures, toutes assorties d’indicateurs à suivre, qui pourraient, si elles se révèlent efficaces, être reprises par la « grande conférence santé des parties prenantes promise à la rentrée », précisent les auteurs du rapport. Mais l’été débute à peine et les chiffres sont déjà inquiétants. D’après une enquête de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), datée du 23 juin, sur 446 services d’urgences, « pas moins de 49 sont en situation de fermeture partielle, 34 voient leur accès régulé, et 6 sont totalement fermés », révèle le texte de la mission Braun.