Sous ses airs de soda festif, le Vody cache un cocktail détonant de vodka, de caféine et de taurine. Déjà responsable de drames aux Antilles, cette boisson « énergisante » à 22 % d’alcool alarme les associations de prévention en France.
Avec son look attrayant et son « goût tropical », le Vody pourrait passer pour une simple boisson énergisante (lire notre article). Mais derrière ce packaging coloré se cache une réalité bien plus dangereuse : 22 % d’alcool. C’est l’équivalent de quatre shots de vodka, mélangés à de la caféine, à de la taurine et à 30 g de sucre dans une canette de 25 cl. « Ce marketing agressif visant à séduire les jeunes a fonctionné : la boisson connaît déjà un fort succès en Afrique et aux Antilles et arrive petit à petit dans l’Hexagone », alerte alors France assos santé, l’association des usagers de la santé, dans un communiqué.
Vody : la jeunesse prise pour cible
Le produit, lancé par le fabricant allemand Cody’s Drinks, s’inspire directement de la consommation festive des jeunes. Il leur propose une boisson prête à l’emploi, qui mêle les effets de l’alcool et des stimulants.
Le sucre présent dans cette boisson adoucit le goût d’alcool. Ainsi, les jeunes ne se rendent alors pas compte de leur consommation à risque. « On y ajoute de la caféine, qui diminue la sensation de fatigue liée aux effets de l’alcool, constate par ailleurs Laurent Muraro, coordinateur général au sein de la fédération Entraid’Addict. Tout ça à un prix très bas, entre 4 et 5 euros ». Pour lui, « tous les facteurs sont réunis pour un cocktail explosif » qui séduit les adolescents et les jeunes adultes.
Une situation préoccupante aux Antilles
Le phénomène a déjà explosé en Guadeloupe, où les réseaux sociaux ont vu fleurir les vidéos de « Vody challenge ». Ces concours incitent les jeunes à boire plusieurs canettes en un temps record. Les effets sont catastrophiques : malaises, pertes de connaissance, comas éthyliques, conduite en état d’ivresse.
Le 22 mai dernier, le député Olivier Serva tirait alors la sonnette d’alarme après un drame ayant coûté la vie à cinq jeunes dans un accident de la route. « Sur les routes de Guadeloupe, le risque d’accident mortel est trois fois plus élevé qu’en France hexagonale avec déjà 21 morts en 2025, a-t-il dénoncé. Une des causes de ces tragédies est le Vody. »
Une inquiétude partagée par le président de France Assos Santé Guadeloupe-Guyane, Claude Philomin. « Les consommateurs sont en majorité des jeunes gens de 16 à 25 ans mais les adultes ne sont pas épargnés, indique-t-il. Cette boisson fait de gros dégâts sur la santé et les jeunes qui en consomment se retrouvent dans un tel état d’ébriété qu’ils ne devraient pas conduire ! ».
Boisson énergisante : un vide juridique
Le flou réglementaire autour des boissons énergisantes semble avoir permis au Vody d’échapper à un classement plus strict. « Il n’existe aucune législation spécifique pour les boissons énergisantes, et donc, aucune quantité maximale pour les ingrédients comme la taurine et la caféine », pointe l’Institut national de la consommation (INC) sur son site. Pourtant, avec ses 22 % d’alcool, il aurait dû être enregistré comme une boisson spiritueuse. Il aurait alors été soumis à des réglementations plus contraignantes.
Laurent Muraro d’Entraid’Addict s’étonne lui aussi de son arrivée dans les rayons en France. « Juste après la mise en place de la taxe soda, les autorités laissent arriver sur le marché une boisson hyper sucrée et hyper alcoolisée », ajoute-t-il. « C’est incompréhensible ».
En réaction, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête. En coopération avec les autorités allemandes, elle cherche à déterminer les responsabilités et les réseaux de distribution. Des mesures seront prises en cas de risque sanitaire avéré,
Vers une interdiction du Vody en France ?
Plusieurs pays africains, comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la Guinée, ont d’ores et déjà interdit le Vody. En France, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a qualifié le produit de « fléau pour la santé des jeunes ». Il a aussi annoncé une campagne de prévention avant une possible interdiction. Les associations de prévention espèrent ainsi l’ouverture d’un débat plus large pour une meilleure régulation des boissons énergisantes sur le marché.