Des initiatives pour organiser l’entraide entre travailleurs sont à l’origine du mutualisme, un puissant mouvement social qui a traversé les époques. Des sociétés de secours mutuel aux mutuelles d’aujourd’hui, en passant par la promulgation de la Charte de la mutualité en 1898, rapide retour en arrière sur les grandes dates qui ont jalonné l’histoire du mutualisme et abouti à notre système de protection sociale actuel.
1852 : Officialisation de la société de secours mutuel
Le 26 mars 1852, Napoléon III publie un décret instituant la « société de secours mutuel approuvée ». Des équivalents de sociétés de secours mutuel, issues des confréries, des corporations de métiers (menuisiers, bouchers, etc.) et du compagnonnage existaient dès le Moyen Âge. Ces organisations fondées sur un modèle associatif avaient pour objectif de venir en aide aux travailleurs malades, blessés ou infirmes. Avec ce décret, elles obtiennent une reconnaissance institutionnelle et un cadre législatif.
1857 : Ouverture de la première pharmacie mutualiste
La première pharmacie mutualiste ouvre à Lyon sous l’impulsion des canuts, les ouvriers tisserands de la soie. Largement financée par les industriels qui souhaitent apaiser les tensions sociales, elle offre les tarifs les plus bas possible pour les adhérents et avance les frais contre un abonnement annuel. Quelques années plus tard, en 1865, une seconde officine mutualiste voit le jour à Marseille. Ce système d’avance des frais contre un abonnement est une préfiguration du tiers payant pharmaceutique.
1892 : Création de la première mutualité maternelle
Au XIXe siècle, les femmes et les enfants sont les grands oubliés de la mutualité. Le plus souvent, seuls les chefs de famille sont assurés. En 1892, le couturier parisien Félix Poussineau fonde la première mutualité maternelle afin de permettre à ses ouvrières d’interrompre leur travail pendant quatre semaines après l’accouchement et de bénéficier de consultations et de médicaments gratuits. Les prestations sont liées au versement d’une petite cotisation mensuelle. Ce modèle sera ensuite étendu aux travailleuses d’autres professions.
1898 : Promulgation de la Charte de la mutualité
Malgré l’opposition des syndicats de pharmaciens libéraux, la Charte de la mutualité autorise les sociétés de secours mutuel à créer des pharmacies spéciales réservées à leurs membres. Cette nouvelle loi permet aussi aux sociétés de former des unions.
1902 : Constitution de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)
Au tournant du XXe siècle, la Mutualité est en passe de s’affirmer comme une force sociale majeure, symbolisée par la naissance de la Fédération nationale de la Mutualité française en 1902. La FNMF devient le porte-parole des mutuelles auprès des pouvoirs publics, des institutions et de tous les acteurs de la santé et de la protection sociale.
1945 : Naissance de la Sécurité sociale
Conformément au programme du Conseil national de la Résistance, la Sécurité sociale obligatoire et universelle est créée par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. Celle du 4 octobre prévoit l’unification des régimes de sécurité sociale avec la mise en place d’un réseau coordonné de caisses. Les professions agricoles conserveront néanmoins un régime spécifique, tout comme les salariés des régimes spéciaux, ce qui est encore le cas aujourd’hui. L’ordonnance du 19 octobre, elle, reconnaît la Mutualité comme le principal organisme de complémentaire santé. La société de secours mutuel s’appelle désormais la société mutualiste. En 1955 est publié le Code de la mutualité. Il est réformé en 2001.
1964 et 1980 : Les luttes mutualistes
En 1964, des milliers de mutualistes défilent dans les rues de plus de cinquante villes françaises contre le projet du ministre du Travail, Gilbert Grandval, qui souhaite interdire aux sociétés mutualistes de faire l’avance du ticket modérateur. Pour la première fois, les syndicats (CGT et CFDT) rejoignent la cause mutualiste. Le projet Grandval est vite abandonné, car jugé illégal par le Conseil d’État.
En 1980, les mutualistes de la FNMF envoient sept millions de cartes postales à l’Élysée pour protester contre le projet de ticket modérateur d’ordre public, qui laisse une partie des dépenses de santé à la charge des assurés. Il est finalement abandonné en 1981.
2016 : Mutuelle d’entreprise obligatoire et nouvelles règles imposées aux mutuelles
Dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (loi ANI) entré en vigueur en 2016, les entreprises sont tenues de proposer une couverture santé complémentaire collective à leurs employés. La même année, les mutuelles doivent se soumettre à la directive Solvabilité 2. Pour respecter les règles dites « prudentielles », elles doivent augmenter leurs capitaux propres et justifier ainsi d’un capital minimum appelé « marge de solvabilité ».
2019 : Mise en place du « 100 % santé »
Afin de lutter contre le renoncement aux soins, l’État décide la mise en place du « 100 % santé ». Un panier de soins accessible à tous est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie obligatoire et les contrats de complémentaire santé responsables. Cette réforme garantit, dès 2020, l’absence de reste à charge pour l’optique et une partie du dentaire. Le dispositif entre en vigueur pour l’ensemble des secteurs (dentaire et audioprothèse) en 2021.
© C i E M / Isabelle Coston
C’est quoi une mutuelle ?
Une mutuelle est un organisme à but non lucratif qui rembourse les dépenses de santé en complément de l’Assurance maladie, et souvent au-delà, pour permettre l’accès aux soins. Les mutuelles proposent en outre à leurs adhérents des actions de prévention et de nombreux autres services pour répondre à leurs besoins tout au long de la vie. Contrairement aux organismes d’assurance, elles sont régies par le Code de la Mutualité. Dans les mutuelles, les assurés sont des adhérents qui, en tant que sociétaires, disposent d’une voix en assemblée générale afin d’élire des représentants bénévoles. Le principe de base est la solidarité entre membres, quels que soient leur âge, leur état de santé ou leur niveau de revenu. Les cotisations sont mises en commun pour le remboursement des frais médicaux en fonction des besoins. Un fonds d’action sociale est alimenté chaque année en prévision d’un secours financier pour les adhérents qui rencontreraient des difficultés d’ordre exceptionnel. Les mutuelles, qui font partie de l’économie sociale et solidaire, privilégient la proximité avec les adhérents et défendent l’accès aux soins pour tous.