Comment s’est créé l’hôpital moderne ?

Des œuvres de charité aux établissements de soins actuels, l’histoire de l’hôpital se compose de différentes phases. Au fil des siècles, l’organisation, la structuration et les missions de cette institution se sont moult fois modifiées pour correspondre aux évolutions de la société et de la médecine.

VIe siècle : la charité envers les plus pauvres

En France, les premières institutions sont fondées par l’Église catholique et administrées par des communautés religieuses à des fins de charité. Ces établissements n’ont pas encore le nom d’hôpital mais sont appelés hôtel-Dieu ou maisons-Dieu. Ils n’étaient pas destinés aux soins médicaux à proprement parler mais servaient surtout de lieux d’hébergement pour les pauvres ou les pèlerins.

XVIIe siècle : une transformation progressive en prison

Petit à petit, la société change et les autorités cherchent à contenir la pauvreté en l’emprisonnant dans les hôpitaux. À partir de 1612, les pauvres et les invalides ont l’obligation de s’y rassembler sous peine d’être arrêtés par la police. L’hôpital Bicêtre, édifié en 1656 à côté de Paris, accueille, notamment, les mendiants et les vagabonds et assure une mission sociale de « redressement ». En 1662, Louis XIV demande la création, dans chaque ville importante, d’un hôtel-Dieu pour y recevoir et « renfermer les pauvres, vieillards, vagabonds, enfants orphelins et prostituées ».

XVIIIe siècle : des établissements laïques rattachés aux communes

Les hôpitaux, créés et administrés par des religieux, sont très mal vus par les acteurs de la Révolution française qui décident de les fermer. Les établissements sont confisqués et nationalisés. Mais face à une situation devenue critique, le Directoire choisit de confier aux villes la responsabilité et le fonctionnement des hôpitaux. Ces derniers deviennent alors des lieux de formation et de soins, laïques. On ne parle plus de charité mais d’assistance.

XIXe siècle : la structuration de l’hôpital

Le Consulat, dirigé par Bonaparte, prend plusieurs mesures pour organiser le système hospitalier. Il crée le Conseil général des hospices, une unité administrative parisienne, et le Conseil de salubrité du département de la Seine, un organisme de consultation. Il met aussi en place l’internat et l’externat des hôpitaux afin d’assurer une présence médicale nuit et jour et de former les médecins sur le terrain, et ainsi considérablement faire évoluer la médecine.

XXe siècle : vers l’accès aux soins pour tous

L’idée d’un hôpital moderne, accessible à tous, progresse. Une loi, votée en 1941, ouvre théoriquement les hôpitaux à toutes les classes sociales et redonne la main à l’État. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Assurance maladie est créée et permet à tous les Français de se faire soigner à l’hôpital. Si les nouveaux médicaments, comme les antibiotiques, permettent de prendre en charge efficacement les malades, les moyens manquent cependant pour investir dans les établissements de soins.

1958 : l’hôpital universitaire

Michel Debré, Premier ministre du gouvernement De Gaulle, crée les centres hospitaliers et universitaires (CHU), c’est-à-dire des lieux de recherche qui réunissent des praticiens et des universitaires. L’objectif est d’instituer des temps plein hospitaliers pour permettre aux médecins de se consacrer à la fois aux soins, à l’enseignement et à la recherche. L’hôpital devient alors un pôle d’excellence médicale.

1970 : la notion de service public hospitalier

Une nouvelle loi instaure le service public hospitalier comme mission d’intérêt général. Elle renforce aussi les fonctions du directeur d’établissement, en le faisant représentant légal de l’hôpital. Enfin, elle met en œuvre une carte sanitaire dont le but est d’organiser et de rationaliser l’offre de soins en fixant des indices lit/population et équipement/population par secteur.

1991 : la planification

Les coûts hospitaliers devenant de plus en plus élevés, la loi du 31 juillet 1991 a pour but de réduire le nombre de lits en s’appuyant sur une planification de plus en plus contraignante. Elle renforce également la carte sanitaire en instaurant un schéma d’organisation des soins, élaboré dans chaque région, qui répartit les installations, les activités et les équipements.

1996 : une organisation régionalisée

L’objectif est cette fois-ci de réduire les inégalités entre les territoires et entre les établissements en régionalisant l’activité et le financement. Pour ce faire, les agences régionales de l’hospitalisation, qui associent l’État et l’Assurance maladie, sont créées. Le plan de modernisation de l’hôpital de 2007 parachèvera cette réforme en assouplissant et en accompagnant les évolutions du secteur.

2009 : une mission de service public au sens large

La loi Hôpital patients santé et territoire (HPST) a pour objectif de réorganiser et de moderniser l’ensemble du système de santé. La mission de l’hôpital évolue et passe de la notion de service public hospitalier à celle de service public tout court, afin de proposer une vision plus large de la prise en charge des usagers. La loi prévoit également la création des agences régionales de santé (ARS) chargées de coordonner sur leur territoire l’ensemble des politiques de santé : hôpital, médecine de ville, santé publique et prévention.

2016 : des groupements de territoire

La loi de modernisation de notre système de santé remet en avant le service public hospitalier « profondément désorganisé » par la précédente loi. La coopération entre hôpitaux publics y est également encouragée à travers le déploiement de groupements hospitaliers de territoire. Ils permettront aux établissements proches d’élaborer ensemble un projet médical et de partager des missions ou des fonctions support.

2020 : le Ségur de la santé

Dans un contexte de crise récurrente au sein des hôpitaux, aggravée par l’épidémie de Covid-19, les accords du Ségur de la santé sont signés. Ils prévoient de revaloriser les professionnels, d’améliorer le quotidien des soignants, de rendre plus attractif et de moderniser l’hôpital public. La loi d’amélioration du système de santé par la confiance et la simplification viendra, en 2021, traduire les aspects non financiers du Ségur.

Sources : Société française d’histoire des hôpitaux ; Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ; Une histoire de l’hôpital en France : charité, enfermement et soins, de Jean-Noël Fabiani ; Les réformes hospitalières en France, de Marie-Odile Safon, Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).

© C i E M / Benoît Saint-Sever


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