Nouveaux traitements, parcours de soins optimisés, réadaptation cardiaque, essor de la télémédecine… Si le nombre de personnes touchées par l’insuffisance cardiaque ne cesse de progresser, sa prise en charge évolue considérablement.
Si méconnue du grand public et pourtant si fréquente. Environ 1,5 million de personnes souffrent d’insuffisance cardiaque en France. On compte 120 000 nouveaux cas dépistés chaque année et ce chiffre augmente de 25 % tous les quatre ans, « en raison principalement du vieillissement de la population mais aussi par le biais de maladies pourvoyeuses d’insuffisance cardiaque comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, qui sont en augmentation dans la population, indique le Dr Pierre Sabouret, cardiologue, président du Collège national des cardiologues français. De plus, l’insuffisance rénale, en hausse elle aussi, expose à une multiplication des cas d’insuffisance cardiaque. »
Dans l’insuffisance cardiaque, la « pompe cardiaque » est devenue incapable de fournir un débit sanguin satisfaisant aux besoins de l’organisme. Au long cours, elle se répercute sur l’ensemble des organes, rénaux, digestifs ou musculaires. Cette maladie chronique peut être très handicapante et ponctuée d’épisodes d’aggravation nécessitant une hospitalisation.
L’insuffisance cardiaque, chez les femmes aussi
Si l’insuffisance cardiaque au féminin se manifeste plus tardivement (75-85 ans contre 65-75 ans), autant de femmes que d’hommes en souffrent, probablement parce que tous partagent les mêmes facteurs de risque comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol, le tabagisme ou le surpoids. « Cependant, l’insuffisance cardiaque étant souvent une maladie du sujet âgé, les femmes insuffisantes cardiaques sont in fine un peu plus nombreuses que les hommes », fait remarquer le Dr Florence Beauvais, médecin cardiologue (hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris).
Autre particularité : les causes de la maladie diffèrent entre les sexes. Alors que les hommes développent plutôt une insuffisance cardiaque à la suite d’un infarctus du myocarde, les femmes insuffisantes cardiaques sont plutôt hypertendues ou souffrent de troubles du rythme comme la fibrillation auriculaire.
Quant à la prise en charge, des inégalités de sexe en matière de soins existent, même si elles tendent à se réduire. Chez les femmes, des symptômes atypiques, comme des palpitations, des douleurs abdominales, des malaises ou des syndromes confusionnels, peuvent engendrer un retard de diagnostic. On leur proposerait moins souvent des traitements médicamenteux efficaces ou des procédures interventionnelles et chirurgicales. Un âge plus avancé, une moins bonne tolérance médicamenteuse sont quelques-unes des explications avancées. Néanmoins, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque a fait de gros progrès et les femmes en tirent profit. Pour tous, le traitement repose sur une polythérapie médicamenteuse, des mesures diététiques (limiter les graisses saturées, le sel, les liquides, etc.), une activité physique initiée notamment lors de la réadaptation cardiaque.
Traiter précocement, une course contre la montre
Des symptômes non spécifiques et une dysfonction diastolique du ventricule gauche du cœur – conséquence d’un muscle cardiaque épaissi, rigidifié, responsable d’un volume réduit de sang, par la suite envoyé dans l’organisme – qui ne se manifestent que tardivement font de l’insuffisance cardiaque une maladie insidieuse. « D’où un sous-diagnostic important ou un retard au diagnostic, regrette le Pr Sabouret, alors qu’il est primordial pour le patient de bénéficier d’un traitement optimal le plus précocement possible. » Par ailleurs, préserver son cœur, c’est aussi prendre soin de ses reins comme l’explique le cardiologue : « Cœur et rein sont intimement liés dans le cadre de la régulation cardiovasculaire. Lorsque l’on préserve le cœur ou le rein, on protège donc l’autre organe. »
Cinq classes thérapeutiques de l’insuffisance cardiaque sont efficaces, dans l’optique de stabiliser la maladie ou du moins d’en ralentir l’évolution, le plus souvent prescrites conjointement à des diurétiques. Outre les médicaments, des solutions spécifiques existent comme les défibrillateurs cardiaques implantables ou le traitement des anomalies responsables de l’insuffisance cardiaque (traitement de la maladie des artères du cœur, remplacement des valves cardiaques, réduction de l’hypertrophie de la paroi du cœur par alcoolisation septale, transplantation cardiaque).
La réadaptation cardiaque pour entretenir la motivation
La réadaptation cardiaque est un temps nécessaire pour repenser son mode de vie. Elle permet de mettre le pied à l’étrier à des patients parfois sédentaires et/ou inquiets afin qu’ils effectuent une activité physique régulière, encadrée et adaptée, dont un réentraînement à l’effort indispensable à leur état. L’objectif est qu’ils adoptent les règles d’une bonne hygiène de vie et qu’ils soient observants de leur traitement, grâce à des séances d’éducation thérapeutique (ETP). Insuffisamment proposée mais aussi trop peu suivie même si la situation s’améliore année après année, la réadaptation est accessible à seulement 15 à 25 % des patients cardiaques coronariens ou insuffisants cardiaques. Et pourtant, elle a fait ses preuves : elle améliore la capacité d’effort et la qualité de vie pendant plusieurs années, retarde la progression de la maladie et réduit le risque de décès et d’hospitalisation, entre 10 et 20 % selon les études.
La télésurveillance n’est plus en option
Après une hospitalisation pour décompensation aiguë d’insuffisance cardiaque, 25 % des malades sont réhospitalisés à trois mois et 45 % dans l’année. Afin de réduire ces chiffres, la télésurveillance est une solution. Elle est testée depuis quelques années dans le cadre du programme Etapes*, une expérience qui se terminera en juillet 2022. Il s’agit d’évaluer la faisabilité et l’intérêt de la surveillance à distance des patients souffrant d’insuffisance cardiaque, au moyen d’outils connectés qui les relient à leurs soignants, à l’hôpital et en ville. En dépit de difficultés d’organisation, l’expérience est jugée concluante et la télésurveillance sera accessible à partir du 1er août 2022, le cahier des charges et le remboursement étant encore en attente. « L’insuffisance cardiaque est un modèle pour l’expérimentation de la télésurveillance, explique le Pr Damien Logeart, cardiologue (hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris), et nous « télésurveillons » en particulier les patients les plus déséquilibrés du point de vue de la maladie. » La surveillance à distance d’un patient insuffisant cardiaque nécessite a minima un outil connecté, comme une balance, souvent associée à un auto-questionnaire portant sur les symptômes comme une toux nocturne, une dyspnée (essoufflement), une prise de poids rapide, etc. « Les réponses à l’auto-questionnaire sont analysées par les algorithmes, poursuit-il, lesquels peuvent générer des alertes auprès du prestataire qui les relaie au médecin ou au service prescripteur. » D’autres outils connectés viendront peut-être étoffer l’arsenal de la télésurveillance dans l’insuffisance cardiaque, comme des gilets bardés de capteurs indiquant la fréquence cardiaque, la température, la saturation en oxygène, un tensiomètre ou un électrocardiogramme.
* Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé.
© C i E M / Hélène Joubert
Insuffisant cardiaque sans le savoir ? EPOF !
Pour penser à l’insuffisance cardiaque, le groupe insuffisance cardiaque et cardiomyopathies (GICC) de la Société française de cardiologie, a créé l’acronyme « Epof ». Il résume les quatre signes de la maladie : E pour « essoufflement » disproportionné par rapport à l’effort, P pour « prise de poids rapide », O pour « œdèmes », F pour « fatigue excessive ». Des palpitations, des douleurs abdominales, des malaises, des syndromes confusionnels chez les personnes âgées peuvent aussi être présents.