Madeleine Brès, première femme médecin en France

Madeleine Brès est la première femme française à suivre des études de médecine et à devenir docteur en 1875. Elle a surmonté de nombreux obstacles pour pouvoir exercer et a ouvert la voie à d’autres femmes dans un milieu qui leur était jusqu’alors fermé.

Rien ne prédisposait Madeleine Brès à devenir la première Française médecin et pourtant… Elle naît le 26 novembre 1842, sous le nom de Madeleine Gebelin, dans un milieu modeste à Bouillargues dans le Gard. Son père est charron ; il fabrique et répare des véhicules à roues. Il travaille notamment pour les sœurs de l’hôpital de Nîmes. C’est en observant les soins qui y sont prodigués que sa vocation de médecin va naître vers l’âge de 8 ans. « Je considérais avec attention les religieuses confectionnant les tisanes et préparant les potions, expliquera-t-elle dans un article de la revue La Chronique médicale en 1895. « Pour tout dire, j’avais un tel goût pour tout ce qui touchait à la médecine qu’un ami de ma famille, le docteur Pleindroux, me voyant si zélée, si secourable, me disait souvent : “Quelle infirmière tu ferais, mon enfant !” et il ajoutait plus tard : “Quel dommage que tu ne puisses pas te faire médecin !” »

Quelques années plus tard, sa famille déménage à Paris, puis à 15 ans, elle se marie avec un conducteur d’omnibus, Adrien-Stéphane Brès, avec qui elle aura trois enfants. À 21 ans, alors que son foyer fait face à des difficultés financières notamment et qu’elle cherche à s’assurer un avenir professionnel, elle décide de suivre des études de médecine pour enfin avoir la possibilité de vivre de sa passion. Elle se présente alors au doyen de la Faculté de médecine de Paris, Charles Adolphe Wurtz, favorable à l’instruction des femmes, qui lui conseille avant toute chose d’obtenir son baccalauréat.

Une volonté de fer

Malgré les difficultés, à une époque où les lycées de jeunes filles n’ont pas encore été créés et où elle doit avoir l’autorisation de son mari, elle parvient tout de même à devenir bachelière en lettres et en sciences en 1868. Une fois cette première étape franchie, elle postule de nouveau à la Faculté de médecine. Pour être sûre d’être acceptée, elle adresse une pétition au ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy. Celui-ci, ne voulant décider seul, sollicite à son tour un conseil des ministres présidé par l’impératrice Eugénie. C’est cette dernière qui appuiera, entre autres, sa candidature. « J’espère que ces jeunes femmes trouveront des imitatrices, maintenant que la voie est ouverte », aurait-elle déclaré. Madeleine peut enfin s’inscrire. Elle étudie aux côtés de trois autres femmes : l’Américaine Mary Putnam, la Russe Catherine Gontcharoff et la Britannique Elizabeth Garrett.

La première Française à passer son doctorat

Madeleine Brès devient ainsi élève stagiaire et rejoint le service du professeur Paul Broca – spécialiste de l’anatomie du cerveau – à l’hôpital de la Pitié. La guerre de 1870 éclate et elle doit remplacer les internes des hôpitaux de Paris envoyés sur le front pour soigner les soldats. Malgré les éloges des professeurs Broca et Wurtz, l’assistance publique des hôpitaux refuse de la nommer officiellement interne. Les années passent et elle soutient enfin sa thèse, intitulée De la mamelle à l’allaitement, le 3 juin 1875 et devient la première femme médecin du pays. Elle n’est pas la première à passer son doctorat de médecine en France puisque la Britannique Elizabeth Garrett l’a précédée cinq ans auparavant mais elle n’en demeure pas moins la première Française à l’obtenir. Même si elle reçoit les félicitations du jury, elle n’obtient toujours pas le droit de se présenter aux concours d’internat et d’externat, ce qui, selon ses détracteurs, pourrait créer un précédent et encourager d’autres femmes à suivre sa voie. L’accès des étudiantes au concours d’externat ne sera en effet effectif qu’en 1882 (Blanche Edwards-Pilliet sera la première française externe des hôpitaux) et à celui de l’internat qu’en 1886 (Marthe Francillon-Lobre sera la première interne titulaire).

Spécialiste de la puériculture

Ses pairs estiment, qu’en tant que femme, elle est plus à même de soigner les mères et les enfants. Mais elle-même n’était pas contre cette idée, bien au contraire, puisqu’elle écrira : « Je persiste à croire, pour mon compte, qu’elles [les femmes médecins, NDLR] doivent s’en tenir à la spécialité des maladies des femmes et des enfants ». Elle va ainsi se consacrer à la pédiatrie en ouvrant un cabinet privé à Paris. Elle s’intéresse particulièrement aux questions liées à l’hygiène et rédige plusieurs ouvrages dont L’Allaitement artificiel et le biberon, publié en 1877. En 1883, elle dirige même le journal Hygiène de la femme et de l’enfant. En 1885, elle fonde une crèche, dans le quartier des Batignolles à Paris, où sont soignés et gardés gratuitement les enfants jusqu’à l’âge de 3 ans. En 1891, le ministre de l’Intérieur lui confie la mission d’aller étudier, en Suisse, l’organisation et le fonctionnement des crèches. Elle sera par la suite chargée de donner des cours sur l’hygiène dans les différentes mairies de Paris.

Reconnue pour son œuvre dans le domaine de la puériculture, elle termine pourtant sa vie dans la misère et presque aveugle. Elle s’éteint le 30 novembre 1921 à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, à l’âge de 79 ans.

Les grandes dates de la vie de Madeleine Brès

  • 1842 : naissance à Bouillargues (Gard).
  • 1868 : obtention des baccalauréats de lettres et de sciences.
  • 1875 : obtention de son doctorat de médecine.
  • 1877 : publication de son ouvrage L’Allaitement artificiel et le biberon.
  • 1885 : fondation d’une crèche dans le quartier des Batignolles à Paris.
  • 1921 : décès à Montrouge (Hauts-de-Seine).

© C i E M / Benoît Saint-Sever

Sources : Natalie Pigeard-Micault, Mort de Madeleine Brès, site France mémoire (Institut de France) ; Carole Christen-Lécuyer, « Les premières étudiantes de l’Université de Paris », dans Travail, genre et société n° 4, 2000/2, pp. 35-50, site Cairn.info ; La Chronique médicale : revue bimensuelle de médecine scientifique, littéraire & anecdotique, n° 2, 1895, bibliothèques d’Université Paris Cité ; Françoise Deherly, Madeleine Brès, première femme médecin, Le Blog Gallica.


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