Des chercheurs de l’université d’Aix-Marseille et de l’Inserm ont conduit une étude sur l’activité cérébrale lorsque nous écoutons de la musique. Ils ont pu identifier les rythmes, tempo et groove qui nous stimulent et nous font nous lever de nos chaises.
Pourquoi dansons-nous ? Pourquoi certains morceaux font lever les foules à coup sûr ? Comment le cerveau coordonne nos mouvements selon la musique que l’on écoute ? C’est à ces questions que des chercheurs de l’université d’Aix-Marseille et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont tenté de répondre.
Intitulée « Dynamique neuronale du timing prédictif et de l’engagement moteur dans l’écoute de la musique », l’étude est parue dans la revue Science Advances et dirigée par le chercheur de l’Inserm Benjamin Morillon. Elle détaille les interactions entre les neurones via le système électrique du cerveau, lorsque l’humain est exposé à un certain rythme musical, à une syncope particulière. Fréquemment utilisée dans le funk ou le jazz, la syncope est un rythme qui s’appuie sur les contretemps. Les chercheurs se sont alors focalisés sur le « groove », sur ce qui donne envie de se déhancher.
30 personnes et 12 mélodies étudiées
Pour déterminer exactement ce qui se passe dans notre cerveau lorsque l’on se décide à entrer sur la piste de danse, l’équipe de chercheurs a sélectionné un échantillon de 30 personnes. Les scientifiques avaient au préalable composé 12 mélodies courtes, à 120 battements par minute (BPM), le rythme le plus répandu dans la musique occidentale. Chaque mélodie était ensuite ajustée à un taux différent de syncope – faible, moyen, fort. Les chercheurs ont pu observer en temps réel leurs réponses neuronales aux mélodies, grâce à un appareil de magnéto-encéphalographie (MEG). Les participants étaient ensuite invités à noter le niveau de groove ressenti, sur chacune des trois versions.
« L’expérience du groove telle que rapportée par les participants, et reproduite par le modèle neurodynamique, apparaissait corrélée au taux de syncope », explique l’Inserm dans son communiqué. « Comme déjà observé dans de précédentes études, l’envie de bouger en musique était maximale pour un rythme présentant un taux intermédiaire de syncope, c’est-à-dire n’étant ni trop simple, ni trop complexe »,indique Arnaud Zalta, premier auteur de l’étude, et chercheur au Laboratoire des systèmes perceptifs de l’École normale supérieure (ENS-LSP). « L’engagement moteur lié au groove se matérialise par une anticipation temporelle du tempo. »
Anticiper le tempo
Notre capacité à danser découlerait ainsi de l’aspect répétitif et prévisible d’une mélodie et d’un rythme. En effet, Arnaud Zalta précise que le groove « repose au niveau cérébral sur un équilibre dynamique entre la prévisibilité temporelle du rythme (moins le rythme est complexe, meilleure elle est) et les erreurs de prédiction temporelle de l’auditeur (plus le rythme est complexe, plus elles sont nombreuses) ». Un résultat qui explique en partie le succès de genres aux tempos simples et réguliers comme la pop ou la techno. Mais les chercheurs s’étaient aussi fixés pour objectif d’identifier les zones du cerveau stimulées par des mélodies.
Musique et cerveau, un champ d’étude infini
Une analyse qui a permis de « mettre en évidence le rôle du cortex sensorimoteur », explique Benjamin Mourillon. « L’aire cérébrale où se situe le cortex sensorimoteur gauche est actuellement considérée comme la potentielle clé de voûte de l’intégration sensorimotrice, essentielle à la fois pour la perception de la musique et de la parole ».
Les effets de la musique sur l’activité cognitive passionnent le monde de la recherche depuis maintenant des décennies. En 2021, l’ENS-LSP publiait une première étude sur la musique. Les chercheurs s’étaient penchés sur les différentes réponses du cerveau à la musique, qu’elle soit écoutée activement ou seulement imaginée. Le rôle des attentes et l’importance pour le cerveau de prédire la note suivante étaient déjà mis en exergue. Fin 2022, c’est une étude canadienne publiée dans la revue Current Biology qui révélait que l’être humain est plus sensible aux sons basses fréquences lorsqu’il s’agit de danser.
© C i E M / Mathieu Yerle