Dans une tribune publiée dans Le Monde, un collectif d’associations et de scientifiques s’insurge contre le « matraquage publicitaire des industriels de la malbouffe » sur les enfants et appelle à une réglementation plus stricte.
« Être le pays de la gastronomie ne protège pas la France de l’épidémie mondiale d’obésité ». C’est sur ce constat brutal que débute la tribune portée par FoodWatch et publiée le 28 octobre dans Le Monde. L’organisation non gouvernementale (ONG) – qui se bat notamment pour une alimentation saine et pour plus de transparence dans le secteur alimentaire –, rejointe par des associations et des scientifiques, y dénonce les dangers du « marketing de la malbouffe » sur les enfants. Ils y déplorent également la confiance aveugle que le gouvernement porte envers les promesses vaines des industriels et son manque d’action.
« Un enfant sur six est un futur malade »
« En France, près de la moitié des adultes et 17 % des enfants sont en surpoids ou obèses », rappellent les signataires dans leur publication (chiffres issus du Programme national nutrition santé 2019-2023 réalisé par le ministère de la Santé). Par ailleurs, « aujourd’hui en France, un enfant sur six est en situation de surpoids ou d’obésité et risque de le rester à l’âge adulte », précise le rapport Les enfants, cibles du marketing de la malbouffe : l’heure de l’action politique réalisé par FoodWatch. En effet, la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie selon les études de 20 à 50 % avant la puberté, et de 50 à 70 % après la puberté, indique la Haute autorité de santé (lire à ce sujet notre article sur l’obésité). « Un enfant sur six est un futur malade, c’est presque écrit. » en conclut la tribune.
En s’attaquant au marketing des industries alimentaires, le collectif s’empare d’un véritable problème de santé publique. Car on le sait, les personnes en surpoids ou obèses ont plus de risque de développer par la suite des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2, le syndrome du foie gras et même un cancer. Et si l’argument sanitaire ne suffit pas, il ne manque pas de rappeler l’incidence financière d’une telle situation : « l’impact sociétal de la surcharge pondérale était estimé par le Trésor public, en 2012, à plus de 20 milliards d’euros par an », un chiffre qui a certainement augmenté depuis.
Un nouveau marketing de la malbouffe à combattre
La tribune publiée dans Le Monde dénonce l’« environnement obésogène » dans lequel évoluent les enfants. D’après Santé publique France, la majorité des publicités alimentaires visionnées par les enfants promeuvent en effet des produits dont le Nutri-score (logo apposé sur les emballages qui informe de façon simplifiée sur la qualité nutritionnelle des produits) est compris entre D ou E, c’est-à-dire les notes les plus basses.
Et avec l’émergence des réseaux sociaux, les industriels n’hésitent pas à s’emparer de ces nouveaux canaux pour toucher leur cible. « Alors que le temps passé par les plus jeunes devant les écrans augmente d’année en année, les marques alimentaires usent de nombreux stratagèmes pour vendre de la malbouffe : placement de produits dans des jeux vidéo, concours sur TikTok, recours à des influenceuses et influenceurs, création d’applications, jeux-concours, partenariats, sponsoring, personnages de dessins animés sur les emballages, etc. », indiquent les auteurs de la tribune.
Vers un encadrement plus strict
Dans ce contexte, « Faire confiance aux fabricants pour s’autoréguler est une folie », considère FoodWatch. Preuve à l’appui. Dans sa dernière enquête menée sur 228 produits alimentaires destinés aux enfants, 86 % contiennent trop de sucre, de gras et/ou de sel selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’ONG voit dans ce chiffre alarmant « l’échec des engagements volontaires de l’industrie ». Au-delà des campagnes de sensibilisation, les signataires se prononcent en faveur d’un encadrement plus strict du marketing et de la publicité qui ciblent les enfants pour les produits trop sucrés, trop gras ou trop salés.
La France n’est pas la hauteur de l’urgence sanitaire
Associations et scientifiques attendent ainsi une prise de conscience de la part des pouvoirs publics. Car malgré les chiffres et les alertes du bureau régional de l’OMS pour l’Europe qui, depuis une dizaine d’années, « appelle les gouvernements à légiférer pour limiter l’exposition des plus jeunes au marketing et à la publicité alimentaires », le gouvernement reste selon eux trop laxiste. A l’inverse d’autres pays. Ils rappellent à cette occasion que le Royaume-Uni et la Norvège ont adopté, respectivement en 2018 et 2023, « une réglementation qui répond à cette urgence de santé publique ». « L’Allemagne, l’Espagne et la Finlande travaillent également à une législation en ce sens », ajoutent-ils.
Alors qu’une nouvelle version du Nutri-score – qui n’est pas obligatoire –, moins tolérante avec le sucre et le sel, et plus exigeante concernant les fibres et les protéines devrait progressivement se mettre en place à partir du 1er janvier 2024, FoodWatch invite tout un chacun à s’emparer du sujet. Pour étendre son action, elle a ainsi lancé une pétition, qui avait recueilli plus de 55 000 signatures au 10 novembre.