Musique, sport, animaux, shopping… Une passion peut conduire à une forme d’addiction qui n’est pas une maladie. Les explications du Pr Laurent Karila, psychiatre spécialisé dans l’addictologie à l’hôpital Paul Brousse (Villejuif), auteur de l’ouvrage Docteur : addict ou pas ?*
« Je suis addict au sucre », « Je suis addict à mon smartphone »… Nous avons tendance à parler d’addiction très (trop) facilement. « Une addiction est une maladie chronique qui évolue par rechute », explique le Pr Karila. Pour parler d’addiction, il faut que soient présents cinq critères pendant 12 mois. « On peut résumer ces critères par la formule des 5C : pour parler d’addiction-maladie, il faut qu’il y ait une perte de Contrôle, un usage Compulsif (on ne peut pas s’en empêcher), un Craving (envie irrépressible de consommer), un usage Continu (presque tous les jours) et des Conséquences dans la vie (sur le plan physique, psychique, cognitif, social) », détaille le psychiatre.
Une addiction positive, qu’est-ce que c’est ?
Ce professeur a développé le concept d’addiction positive en observant des personnes qui répondaient à ces quelques critères en « C » sans pour autant présenter de maladie. Exemple : vous avez un usage Continu du sport ou de la méditation de pleine conscience, vous ne pouvez pas vous empêcher de pratiquer cette activité (elle est Compulsive) et cela s’accompagne de sensation agréable (plaisir), de récompense (vous en tirez des avantages) et d’émotions positives. Mais vous n’avez pas de perte de Contrôle et cela n’entraîne pas de Conséquences négatives sur un plan financier, personnel (problèmes de santé, de couple) ou social (perte d’emploi par exemple). « Ce n’est donc pas une addiction-maladie », informe le Pr Karila.
Addiction positive : la bascule dans l’excès
Nos comportements quotidiens peuvent devenir excessifs. « Le point de bascule entre plaisir et addiction-maladie a lieu lorsque la personne présente les cinq critères de l’addiction sur 12 mois », indique le Pr Karila. Si l’on reprend l’exemple de l’addiction positive au sport, celle-ci n’est plus positive si vous présentez des symptômes de manque, si la pratique sportive devient votre activité principale au détriment de votre vie professionnelle, amoureuse, sociale, si vous présentez des complications physiques (fractures, tendinites, troubles du sommeil…). Le spécialiste en addictions précise qu’il existe des facteurs de protection et de vulnérabilité au développement d’une addiction. « L’addiction résulte de facteurs principaux : le cerveau (dysfonctionnement du système de récompense, de mémoire, d’apprentissage, de motivation, de contrôle), le développement personnel qui interagit avec des facteurs génétiques (qui expliqueraient 40 à 70 % des histoires d’addiction), psychologiques et environnementaux (relation parents-enfants, ambiance familiale…) ». L’addiction résulte de l’interaction de tous ces facteurs. Si vous présentez les « 5C », il faut consulter et vous faire aider.
*Docteur : addict ou pas ? Pr Laurent Karila, Harper Collins, janvier 2024. Le Pr Karila présente Addiktion, un podcast dédié aux dépendances et disponible sur toutes les plateformes.
© C I E M / Anne-Sophie Glover-Bondeau
Addiction : quel traitement ?
La prise en charge de l’addiction est multidisciplinaire. Elle peut faire fait intervenir le médecin traitant, un psychiatre addictologue, un psychologue, un infirmier spécialisé en addictologie et éventuellement une assistante sociale. Le psychiatre évalue s’il existe des troubles psychiques et somatiques associés, le psychologue clinicien travaille sur les racines de l’addiction, l’infirmier en addictologie fait du renforcement motivationnel (méthode de communication permettant de renforcer la motivation d’une personne et son engagement vers le changement.)