La multipotentialité est aujourd’hui reconnue et commence à être valorisée dans le monde du travail. Pour la psychologue Christel Bourgogne, il s’agit d’un fonctionnement en arborescence favorisant le déploiement de plusieurs faisceaux d’observation et d’analyse sur une situation donnée.
Selon une étude menée en 2019 par Indeed, site Internet spécialisé dans la recherche d’emploi, 88 % des Français souhaiteraient avoir un travail intéressant. Cette quête de l’épanouissement professionnel s’accompagne d’une véritable réflexion sur la psychologie des actifs et de nouveaux profils sont identifiés, comme les « multipotentiels ». Pour l’auteure américaine Emilie Wapnick, dont la vidéo de la conférence TEDx intitulée Pourquoi certains d’entre nous n’ont pas de vocation a été visionnée plus de 8 millions de fois depuis sa mise en ligne en 2015, il s’agit de personnes « curieuses et créatives, ayant des intérêts divers et qui ont toute une palette d’intérêts et de métiers au cours de leur vie ».
Un mode de fonctionnement en arborescence
Pour la psychologue clinicienne Christel Bourgogne, directrice du centre Regards Psy, la multipotentialité est à rapprocher du haut potentiel : cette « forme d’intelligence différente, quantitativement, mais surtout qualitativement, et qui colore l’ensemble de la personnalité », comme le décrit la psychologue praticienne, Jeanne Siaud-Facchin, pionnière des recherches sur les adultes surdoués. « Le haut potentiel est souvent associé à une intelligence supérieure, mais il s’agit avant tout d’un mode de fonctionnement en arborescence, transversal, qui permet le déploiement de plusieurs faisceaux d’observation et d’analyse pour une situation donnée. En ce sens, la multipotentialité est pour moi caractéristique du haut potentiel », détaille Christel Bourgogne en précisant que cette pensée créative, appelée également divergente, génère de nombreuses idées et solutions. À l’inverse des spécialistes, qui se focaliseront plus facilement sur un champ d’action particulier, en adoptant une seule et unique vocation, les multipotentiels auront naturellement envie de s’intéresser à une multitude de sujets et de centres d’intérêt différents. Ils peuvent alors être vus comme des personnes dissipées et éparpillées… Sur ce point, la spécialiste américaine Emilie Wapnick, a souvent insisté sur les grandes capacités de synthèses et d’apprentissage et l’adaptabilité des multipotentiels.
Renoncer à être compris et reconnus
Mais, parfois, l’environnement de travail n’est pas adapté à ce fonctionnement particulier, notamment par le manque d’encadrement ou l’absence de reconnaissance, et les difficultés professionnelles et relationnelles peuvent alors s’installer. « Au sein d’une entreprise ou d’un projet, leur perfectionnisme apporte souvent plus de pression et peut grandement exacerber leurs “angoisses de performance”, notamment sur leur peur de ne pas être à la hauteur de la tâche ou l’impression d’être un usurpateur… Ainsi, ces personnes peuvent développer de forts états de stress. » La psychologue préconise alors la consultation d’un spécialiste, qui permettra dans un premier temps de poser un diagnostic sur la multipotentialité, puis de mieux comprendre leur fonctionnement, pour ne plus subir les incompréhensions et les maladresses de leur entourage professionnel. « Parfois je suggère même à mes patients d’entrer consciemment en clandestinité, c’est-à-dire de ne pas forcément expliquer leur fonctionnement particulier. Non pas pour se cacher, mais plutôt pour renoncer à cette quête, qui peut être épuisante, de chercher à se faire comprendre et reconnaître. »
© C i E M / Capucine Bordet